Propositions et orientations

Il revient à l‘enseignant d’identifier les savoir-faire à prendre en compte pour exercer les compétences prévues au programme et déterminer la manière la plus optimale de développer leur maîtrise progressive, notamment en fonction de l’âge des élèves.

Dresser la carte d’identité d’un document et distinguer une trace du passé d’un travail

En prenant appui sur les acquis du cours d’étude du milieu, l’enseignant s’efforcera de rendre l’élève capable de dresser la carte d’identité d’un document. Cette démarche ne constitue pas une finalité en soi : elle n’a de sens que si elle débouche sur la mise en évidence d’un certain nombre d’éléments nécessaires à l’analyse du document, notamment au plan critique[1]. En particulier, l’établissement de la carte d’identité d’un document doit permettre à l’élève, d’une part d’établir la distinction entre une trace du passé (source) et un travail, d’autre part d’énoncer des raisons de faire confiance et/ou de s’en méfier.

Pour dresser la carte d’identité d’un document, l’enseignant peut amener ses élèves à :

  • identifier la nature ou le type de document : texte, iconographie (dessin, caricature, affiche, peinture…), document oral, audio-visuel, matériel (objet, bâtiment, monument…) ;
  • identifier l’auteur ou les auteurs du document, à moins qu’il ne s’agisse d’un document anonyme, c’est-à-dire dont l’(les) auteur(s) n’est(sont) pas connu(s) ;
  • distinguer la date ou la période au cours de laquelle le document a été produit d’une part, la date ou la période au cours de laquelle les événements qui y sont relatés ou commentés ont eu lieu d’autre part : distinguer cette double temporalité est essentiel pour établir s’il s’agit d’une trace du passé (source) ou d’un travail dit « postérieur » (voir ci-dessous) ;
  • repérer le(s) lieu(x) où le document a été produit, découvert, diffusé… d’une part ; le(s) lieu(x) où les événements qui y sont relatés ou commentés ont eu lieu d’autre part ;
  • identifier le ou les destinataires ;
  • s’informer sur les raisons qui ont présidé à la rédaction ou la réalisation de ce document : pourquoi a-t-il été produit (informer, convaincre, diffuser des opinions, illustrer…) ?
  • conclure en établissant s’il s’agit d’une trace de passé ou d’un travail :

–       Aussi désignée par les historiens sous l’appellation de « source », la trace du passé est un témoignage que, volontairement ou involontairement, les hommes du passé nous  ont laissé. Pour identifier s’il s’agit d’une trace du passé, il convient de bien repérer la date de production du document : a-t-il été produit par un homme d’hier et comporte-t-il un témoignage sur le passé ? Si le document est postérieur aux événements sur lesquels la classe cherche à s’informer, voire s’il est récent ou très récent, il convient d’examiner si son auteur a été acteur, observateur de l’événement et/ou s’il fait part d’observations, de commentaires… de personnes qui ont été acteurs, observateurs

–       Un travail est généralement le résultat d’une recherche, d’une analyse : il a une fonction scientifique ou, à tout le moins, informative (article de presse…) ou éducative (manuel scolaire…). Mais un travail peut aussi avoir une fonction récréative ou de loisirs : c’est le cas d’une bande dessinée, d’un film de fiction… Le travail est donc postérieur aux événements qu’ils relatent ou qu’ils commentent ; mais parfois il l’est de très peu, auquel cas c’est la posture de l’auteur (acteur, témoin,… ou analyste…) qui déterminera s’il s’agit d’une trace du passé ou d’un travail.

–       Enfin, il importe d’attirer l’attention sur le fait que la nature de la question de recherche peut modifier le statut d’un même document. Ainsi, si la question de recherche porte sur le caractère inégalitaire de la société d’Ancien Régime, une bande dessinée actuelle prenant place dans le contexte particulier de la France aux 17e-18e s. pourra être considérée comme un travail ; mais si la question de recherche concerne la représentation actuelle que l’on se fait de cette société, le même document devient une trace du passé. De même, un texte de Karl Marx faisant état de sa lecture de la Révolution française sera considéré comme un travail si la recherche porte sur les rapports entre les acteurs sociaux impliqués en 1789, dans cette révolution ; il deviendra une trace du passé si la question de recherche porte sur les interprétations successives de la Révolution française, au 19e s. Ces nuances dépassent les niveaux de maîtrise attendus des élèves dans ce programme. Dans le cadre de l’exercice de la compétence « critiquer » telle qu’énoncée dans ce programme, on évitera de mettre les élèves dans des situations ambigües et on privilégiera des corpus documentaires qui ne prêtent pas à la discussion et qui ne risquent pas de fourvoyer l’élève.

Lire et exploiter une trace du passé ou une source historique

Suivant la nature ou le type de trace, la démarche d’analyse pourra prendre des modalités un peu différentes : analyser une trace écrite, iconographique, orale, audiovisuelle, matérielle appelle des points d’attention particuliers[2]. On se limitera ici à attirer l’attention sur un certain nombre d’invariants :

  • dans tous les cas, il importe de se rapporter à la question ou l’objet de recherche : à quelle(s) interrogation(s) cette trace du passé est-elle supposée répondre ?
  • il est également essentiel de vérifier si cette trace est pertinente par rapport à l’objet de la recherche qui est menée en classe : informe-t-elle sur l’époque, l’espace et  le domaine qui définissent cet objet de recherche ?
  • qu’il s’agisse d’un texte, d’une image, d’un monument, d’une œuvre d’art, d’un témoignage oral ou audiovisuel, il importe de permettre à l’élève de « lire » cette trace du passé et d’en décoder le vocabulaire, qu’il soit de nature textuelle, iconique… ;

Place des outils numériques:

L’environnement numérique offre un accès plus aisé à de nombreuses traces du passé, particulièrement celles qui relèvent du 20e siècle.

À titre d’exemples,

– interface en ligne “JALONS POUR L’HISTOIRE DU TEMPS PRÉSENT” de l’I.N.A. française propose une série de plus de 1500 documents audiovisuels de quelques minutes classés par année ou par thème ou par moment-clé.

– interface en ligne “LA PLATEFORME.BE” est une collection de documentaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles libre d’accès pour les enseignants de la Fédération.

Lire un travail et en identifier la nature

A côté des sources ou des traces du passé, les élèves seront aussi amenés à analyser des cartes historiques, des représentations du temps, des schémas, des documents statistiques

Outre les points d’attention mentionnés ci-dessus, l’enseignant aura le souci de rendre ses élèves capables d’identifier à quel type de cartes historiques, de représentations du temps, de schémas ou de documents statistiques ils ont affaire[3]. L’identification du type de document oriente en effet sensiblement l’analyse.

En ce qui concerne les cartes historiques, on peut distinguer les types suivants :

  • les cartes représentant une évolution (de type politique, économique, démographique, culturel ou religieux…);
  • les cartes représentant une situation (de type politique, économique, démographique, culturel ou religieux…).

Place des outils numériques:

L’environnement numérique offre un accès plus aisé à de nombreuses cartes historiques:

À titre d’exemples,

– les cartes de Ferraris (1777), de Vander Maelen (1850), des travaux publics (1950-73) disponibles pour tout le territoire wallon sur WalonMap;

– les cartes de Rumsey géolocalisées dans Google Earth;

– les nombreux sites qui proposent des cartes historiques thématiques tels que ATLAS-HISTORIQUE.NET (histoire contemporaine).

En ce qui concerne les représentations du temps, on peut distinguer les types suivants :

  • celles présentant des changements ou des permanences dans un seul espace et/ou un seul domaine (politique, économique, démographique, culturel ou religieux…) : dans ce cas, l’attention de l’élève devra se porter sur le repérage des diachronies (évolutions en termes de changements ou de permanences, antériorité, postériorité) ;
  • celles présentant des changements ou des permanences dans plusieurs espaces et/ou domaines : dans ce cas, l’attention de l’élève devra se porter sur le repérage des diachronies mais aussi des synchronies c’est-à-dire des simultanéités entre des changements, permanences, événements… se produisant dans plusieurs régions et/ou domaines.

Place des outils numériques:

La lecture et la construction de frises chronologique prennent une nouvelle dimension avec le développement des outils numériques dédiés à ce sujet.

À titre d’exemple (de nombreuses interfaces existent à ce sujet), l’interface “Frise Chronologique” permet

– de créer en quelques clics sa frise pour la période choisie, avec ou sans césure;

– de placer librement des événements ou des périodes;

– sélectionner des événements ou des périodes dans une bibliothèque;

– de consulter ou modifier une frise chronologique existant (des milliers à disposition);

– …

 

En ce qui concerne les schémas, on peut distinguer les types suivants :

  • les schémas hiérarchiques : ils permettent de représenter des relations de pouvoir et/ou de dépendance entre des institutions, des groupes sociaux, des acteurs…;
  • les schémas systémiques : ils permettent de représenter des relations entre plusieurs éléments qui sont parties prenantes d’un phénomène, d’un mécanisme, d’un processus, d’un « système »…

Place des outils numériques:

La construction de schémas hiérarchique est un des domaines de prédilection du numérique. Cartes mentales, cartes heuristiques, … en sont des manifestations. Ces outils, en plus de mettre l’accent sur les relations entre les élements, permettent de travailler en plusieurs dimensions à l’image d’un système neuronal. Ces outils permettent donc de représenter de manière synthétique des systèmes particulièrement complexe. Ils constituent également des moyens non linéaires pour prendre des notes et communiquer.

Exemples de logiciels (des centaines existent à ce sujet), Freemind, Xmind, Cmap Tools, …

Exemples d’interface en ligne (des centaines existent à ce sujet), Pearltrees, MindMup, Text2Mindmap,, …

En ce qui concerne les documents statistiques, on peut distinguer les types suivants :

  • les graphiques, qu’il s’agisse de graphiques circulaires, histogrammes, courbes : ils représentent les différentes quantités qui composent un tout, des grandeurs relevant de situations différentes, des relations entre deux données.
  • les tableaux de chiffres : ils permettent de comparer des données à un ou plusieurs moments donnés.

 

Place des outils numériques:

Les aspects techniques relatifs à la recherche et au traitement des informations statistiques sont largement facilités par le développement du numérique. De nombreuses interfaces proposes une collection d’informations statistiques et des modalités de traitement qui permettent de concentrer l’apprentissage sur l’interprétation des informations.

À titre d’exemple, GAPMINDER propose une interface en ligne ou téléchargeable avec un collection d’indicateurs à l’échelle du monde.

[1] Le terme « critique » doit être pris au sens « disciplinaire » c’est-à-dire comme on l’entend en parlant de la « critique historique ». Celle-ci désigne l’ensemble des règles et des méthodes qui ont été progressivement mises au point par les historiens et qui permettent de « prendre distance critique » c’est-à-dire dire d’apprécier le degré de fiabilité ou de crédibilité d’un témoignage (source ou trace du passé).

[2] Pour des propositions plus détaillées et adaptées à ces types de sources, cfr R. KEYMEULEN, Dossier d’apprentissage, (Coll. «  Construire l’Histoire », s. dir. de J.-L. JADOULLE et J. GEORGES), nouv. éd., t. IV, Namur, Didier, Hatier, 2001, 107 p.

[3] Pour plus de détails, cfr R. KEYMEULEN, op. cit.